Il parle fort. Trop fort. Sans raison aucune de hausser le ton, il parle fort, il rit fort. Il a le verbe haut. Qui veut-il sans cesse convaincre ? est-il si rassurant d’entendre ainsi sonner sa voix ? Son timbre wagnérien m’étourdit. Parfois, je lui demande de parler un peu moins fort. Je n’ose pas toujours. Quand j’ose il n’entend pas. C’est moi qui ne parle pas assez fort. J’ai du mal à faire entendre ma voix. Je m’aperçois que j’ai toujours cherché des hommes à la voix douce. J’aime qu’on me parle doucement. (page 36)
(…) cette difficulté que j’éprouve à percevoir certaines voix, à différencier avec netteté les degrés d’une échelle sonore. Une voix grave, captée avec précision à plusieurs mètres dans un lieu public, alors que j’entends à peine mon vis-à-vis. Cette angoisse qui me saisit dans un lieu bruyant, café, restaurant, métro, dans une salle trop haute ou trop basse de plafond, où suivre une conversation est une souffrance. Peur de ne pas entendre, de mal comprendre, de devoir malgré moi m’absenter d’un jeu dont on attend que je tienne ma partie. Je m’interroge. Est-ce la gêne de devoir faire répéter, ou de feindre une opportune distraction, de me montrer incapable de répondre alors que je suis sollicitée, ou de répondre à côté ? Incompréhension devant ma propre audition, trop sensible et vite douloureuse. Est-ce donc ainsi que j’entends le monde ? (pages 29-30)
Je ne veux plus les entendre. Voix radio, voix télé. Celles qui dispensent l’information. Similitude des intonations sur toutes les chaînes, toutes les stations pour lancer un sujet. La voix part de haut, redescend, remonte, redescend une marche, se stabilise. C’est une balle rebondissante. A la télévision, le point d’orgue de ce discours s’accompagne d’un battement des paupières ralenti, parfois d’un demi-sourire, amusé ou contrit. Le ton est grave, pénétré, fût-ce pour présenter, sourcil froncé, un micro-trottoir dans un camping au mois d’août. On apprend ça très sérieusement dans les écoles de journalisme où les étudiants se clonent sur les icônes de la profession. On a le ton, ou non. C’est un gage de professionnalisme, la posture est déjà là. Le reste viendra un jour ou l’autre, sûrement. (page 63)
Extraits de De vives voix, Gaëlle Josse, Le Temps qu’il fait, 2016
Ah, ces pages 29_30. Je sais cette souffrance-là.
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Je la sais, comme vous Esther… cette difficulté-là.
(j’allais écrire : je la hais…).
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Hyperacousie, Andrea ?
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On ne peut rien vous cacher, Esther !
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Bienvenue au club 😉
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😉
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Idem pour moi…je peux être très gênée par de petits bruits que d’autres perçoivent à peine…(chuchotements, goutte qui tombe…etc) et certains lieux sont carrément infréquentables (boîtes de nuit et autres endroits du même genre…).
Serions-nous toute une bande d’hypersensibles ? 🙂
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Dans mon cas, c’est plus que de l’hypersensibilité : c’est de l’hyperacousie !
J’ai découvert Gaëlle Josse grâce à Martine du blog https://ecriturbulente.com/
Elle a obtenu de nombreux prix pour ses livres. J’ai beaucoup aimé « Nos vies désaccordées ».
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