Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d’aventure et d’années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d’oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d’avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s’élève jusqu’à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s’influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as
Catégorie : Craie blanche
Louis Aragon
Il y a des choses que je ne dis à Personne Alors
Elles ne font de mal à personne Mais
Le malheur c’est
Que moi
Le malheur le malheur c’est
Que moi ces choses je les sais
Gaëlle Josse
Il parle fort. Trop fort. Sans raison aucune de hausser le ton, il parle fort, il rit fort. Il a le verbe haut. Qui veut-il sans cesse convaincre ? est-il si rassurant d’entendre ainsi sonner sa voix ? Son timbre wagnérien m’étourdit. Parfois, je lui demande de parler un peu moins fort. Je n’ose pas toujours. Quand j’ose il n’entend pas. C’est moi qui ne parle pas assez fort. J’ai du mal à faire entendre ma voix. Je m’aperçois que j’ai toujours cherché des hommes à la voix douce. J’aime qu’on me parle doucement. (page 36)
Bernard Dimey
Les enfants de Louxor
Quand je sens, certains soirs, ma vie qui s’effiloche
Et qu’un vol de vautours s’agite autour de moi,
Pour garder mon sang froid, je tâte dans ma poche
Un caillou ramassé dans la Vallée des Rois.
Si je mourrais demain, j’aurais dans la mémoire
L’impeccable dessin d’un sarcophage d’or
Et pour m’accompagner au long des rives noires
Le sourire éclatant des enfants de Louxor. Continuer la lecture de Bernard Dimey
Ghérasim Luca. 2
Loïc Demey
« C’est à l’écoute de Prendre corps, poème de Ghérasim Luca mis en musique et interprété par Arthur H, que Loïc Demey, professeur d’éducation physique dans un collège mosellan depuis une dizaine d’années, se lance dans l’écriture de Je, d’un accident ou d’amour.
De Ghérasim Luca, il garde l’idée d’omettre les verbes, qu’ils soient conjugués ou à l’infinitif, et de les troquer pour des noms, des adjectifs ou des adverbes. »
Extrait de la préface d’Antoine Wauters
Ghérasim Luca. 1
Extraits de Prendre corps de Ghérasim Luca in Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes, Préface d’André Velter, Collection Poésie (n° 364), Gallimard, 2001
Quelques ressources sur Ghérasim Luca (1913 – 1993)
Le poème Prendre corps mis en musique et interprété par Arthur H et Nicolas Repac
La page des Éditions José Corti
Le récital-télévisuel de Raoul Sangla, Comment s’en sortir sans sortir
Guy Goffette. 2
« La dernière image, c’est un homme en imperméable, chapeau sur la tête, qui arpente avec son ami Vuillard le musée du Luxembourg. L’année importe peu, la lumière extérieure est belle pour la saison. L’homme tout à coup s’arrête devant un tableau, son front se plisse, il se recule, change d’angle, rien à faire : les bras lui tombent.
Charles Juliet
j’attends
que sourde
la lumière
que meure
le temps
que jaillisse l’eau
dont j’ai soif
Dans la lumière des saisons, P.O.L, 1991
Eugène Guillevic
Ce n’était pas
Une aile d’oiseau.
C’était une feuille
Qui battait au vent.
Seulement
Il n’y avait pas de vent.
Exécutoire, Poésie Gallimard, 1968
Ainsi Esther concluait-elle son article Tu n’as pas ce qu’il faut pour te porter, publié en décembre dernier, lequel a suscité de nombreux commentaires, comme souvent (grâce au « trampoline collectif géant » ! Encore une expression d’Esther qui me plaît beaucoup). A l’un d’entre eux, Esther précisait ceci : « Écrire, c’est bégayer« .
Au même moment, à l’époque, je découvrais avec enthousiasme la plume de Guérasim Luca et, notamment, le poème Passionnément qui faisait écho, à mon sens, aux paroles d’Esther – non pas sur le fonds (le poème de Luca est une déclaration d’amour… quoique… au moment où j’écris ces lignes, je n’en suis pas si sûre… on pourrait peut-être trouver des correspondances entre les deux thèmes mais c’est une autre histoire – non pas sur le fonds donc mais sur cette idée de bégaiement, de difficultés à traduire les choses. Et en l’espèce, comment dire la douleur ? Comment les mots, piètres outils, peuvent-ils la traduire ? Esther prétend « chercher [s]es mots »… On pourrait croire qu’elle s’adonne-là à une sorte de coquetterie, compte tenu de la qualité de son écriture. Mais je ne crois pas… Il s’agit d’une interrogation plus vaste, plus profonde autour de l’écriture, du langage, de la difficulté d’écrire… Loin de moi l’idée d’épuiser cette épineuse question – je n’en ai ni les compétences ni l’intention.
Aussi est-il temps de laisser la parole à Guérasim Luca, à travers les premières lignes de son poème Passionnément (à voir et à écouter, ici…) – là est mon unique dessein… Une promesse à Esther…